Du lundi 23 au vendredi 27 septembre, le lycée a accueilli la Compagnie La Dépense pour une semaine de résidence intense, centrée sur leur création en cours « Masculinit·é·e·s ? Guide pratique de déconstruction à l’usage des lycéen·nes ». Avec Léonie Kerckaert, à l’écriture et à la mise en scène et Julien Breda, comédien dans ce seul-en-scène, la compagnie a profité de cette immersion au lycée pour approfondir son travail sur le spectacle. Cette résidence a été l’occasion pour quelques élèves de découvrir des extraits du projet en développement et de participer à des ateliers pratiques autour des thématiques abordées.

Un spectacle en construction

Le spectacle « Masculinit·é·e·s ? » met en scène M. Breda, un professeur d’EPS un peu loufoque, enseignant dans un lycée et qui vient d’être choisi par l’Académie de Paris pour la mise en place d’un dispositif pilote intitulé “Initiation pratique à la déconstruction masculine”. Il a du pain sur la planche car la direction lui a demandé de prendre en charge ce premier cours. Ce lundi matin, il arrive en retard, épuisé, il a potassé tout le weekend les livres de bell hooks, Daisy Letourneur, et Lucille Peytavin… des lectures qui l’ont transformé plus qu’il ne pouvait l’imaginer…

Destiné à un public lycéen, ce spectacle sera aussi présenté au grand public au théâtre Le Verso les 14, 15 et 16 mai prochains à 20h.

Une immersion théâtrale avec les élèves

Pendant la résidence, plusieurs classes — BTS SAM 1ère année, première spécialité SES et terminale option cinéma — ont participé à des ateliers animés par Léonie Kerckaert et Julien Breda. Les élèves de seconde option cinéma audiovisuel ont quant à elleux filmé certains moments de répétition pour documenter ce processus créatif.

Les ateliers ont débuté par des exercices visant à briser la glace et à familiariser les élèves avec le théâtre. En cercle, élèves comme enseignant·es ont travaillé sur l’expression corporelle, la voix et l’improvisation. Pour la metteuse en scène, l’idée est d’apprendre à « faire feu de tout bois ». Très vite, ces exercices ont ouvert des discussions sur les thématiques du spectacle, notamment les stéréotypes et les discriminations de genre.

Les comédien·nes ont d’abord orienté la discussion sur la notion de stéréotypes, mais à travers les échanges et les anecdotes des élèves, des sujets plus larges et souvent plus graves sont apparus, notamment les violences de genre. Ce dialogue spontané a permis d’aborder des problématiques telles que :

  • Violences conjugales : avec l’évocation des rapports de pouvoir dans le couple hétérosexuel.
  • Harcèlement de rue : une expérience fréquemment partagée par les jeunes femmes.
  • Normes corporelles et vestimentaires : comment les attentes de genre influencent l’apparence et la manière de se vêtir, et pèsent sur les femmes comme sur les hommes à des degrés divers.
  • Stéréotypes sur les femmes sportives : accusées de se masculiniser
  • Émotions genrées : comme l’idée que les garçons doivent réprimer leurs émotions, tandis que les filles seraient plus « sensibles ».
  • Répartition des tâches domestiques : les inégalités dans la gestion des responsabilités au sein du foyer qui témoignent là aussi du rapport de pouvoir en faveur des hommes au sein des couples hétérosexuels.
  • Sexualisation et insultes sexistes : les jeunes filles étant souvent la cible de ce type de comportements.

Ces thématiques abordées via le prisme d’anecdotes personnelles ou fictives mais toujours basées sur des expériences concrètes, ont révélé que toutes les sphères de la vie étaient concernées par ces questions. Ces sujets n’ont pas été évoqués sous un angle théorique, mais plutôt à travers des vécus personnels, et les échanges s’en sont trouvés d’autant plus accessibles et parlants.

Improvisation et lâcher-prise

Les élèves ont ensuite été invité·es à improviser des scènes autour des thèmes discutés, un exercice qui s’est révélé complexe au départ. Petit à petit, les participant·es ont néanmoins lâché prise. Les rires gênés ont cédé la place à une écoute attentive, et des scènes théâtralisées ont commencé à émerger. Les élèves ont apprécié de pouvoir aborder ces « sujets importants » dans un cadre bienveillant et sortant de l’ordinaire.

Selon Léonie Kerckaert, l’objectif n’était pas de tout approfondir en une séance, mais de semer des graines de réflexion. Pour Julien Breda, il est même nécessaire de ne pas vouloir à tout prix « faire sens », une approche inspirée par les pratiques théâtrales. Cette façon de penser apparait comme une piste assez inédite et singulière dans un cadre scolaire. Il faudrait selon les deux artistes toute une vie pour explorer pleinement ces questions, mais le théâtre ouvre selon elleux une porte d’entrée passionnante, notamment par l’engagement du corps et de l’improvisation, un angle qui a séduit les élèves.

Témoignages d’élèves et d’une enseignante

Deux élèves de première spécialité SES ont accepté de nous partager leur ressenti. Elles reviennent sur leur participation aux ateliers, et sur ce qu’ils ont suscité en elles.

Carine Bébin, professeure de lettres, a raconté à notre micro comment elle travaille les questions de genre dans ses cours avec des élèves de BTS et comment ces dernièr·es ont réagi aux ateliers proposés.

Entretien avec Léonie Kerckaert et Julien Breda

Enfin, nous avons eu la chance d’interviewer les deux artistes en résidence. Léonie Kerckaert et Julien Breda ont partagé leurs réflexions sur le processus de création du spectacle, sur le rôle du théâtre dans la réflexion autour des questions de genre. Iels sont également revenu·es plus en détail sur les ateliers menés auprès des élèves.

L’entretien entier :

Et l’entretien question après question :

  • Est-ce que vous pouvez-vous présenter, revenir rapidement sur votre parcours ?
  • Est-ce que vous pouvez expliquer les raisons de votre présence au lycée ?
  • Est-ce que vous pouvez décrire plus précisément comment se déroule un atelier, quels outils pédagogiques vous utilisez ?
  • Quel intérêt cela représente-t-il d’utiliser la fiction, de passer par des anecdotes fausses ?
  • Quels sont les objectifs de ces ateliers ? Quels thèmes souhaitez-vous aborder et par quel prisme ?
  • Est-ce que vous pourriez nous en dire un peu plus sur le spectacle, son point de départ, ses objectifs ?
  • Comment les élèves réagissent-iels aux ateliers ? Sont-iels à l’aise pour prendre la parole et se prêter aux exercices théâtraux en lien avec des thématiques qui touchent à l’intime ?
  • Est-ce que vous auriez des recommandations culturelles à nous partager en lien avec les sujets que vous traitez ?

La recommandation de Léonie Kerckaert :

Et celle de Julien Breda :

Un grand merci à la Compagnie La Dépense pour cette semaine stimulante et inspirante, qui continuera sans aucun doute à nourrir les réflexions au sein du lycée.

Jasmine Trilland